Vendredi, j'ai assisté à une soutenance sur le Calila et Dimna. Il s'agit d'un texte écrit pendant l'Antiquité au Proche-Orient, puis traduit du Perse en Arabe, traduction au cours de laquelle un chapitre a été rajouté. La première et unique traduction européenne n'est réalisée difficilement qu'au XIIIe siècle par un castillan. Il a donc été re-traduit en Français par la doctorante, première traduction du livre à paraitre prochainement!
Ce texte a pour but de dire aux princes comment bien gouverner et comment bien se comporter en tant que "prince" ou "roi" ou encore "gouverneur". Mais peu importe.
Mes deux directrices de recherches étaient impliquées dans cette thèse. Ma directrice principale était l'une des deux directrices de la doctorante. Ma codirectrice était "rapporteuse". Alors naturellement s'est posée la question de la thèse. "Et si vous voulez faire une thèse...". D'autant que le directeur de mon master, qui est également mon professeur pour la spécialité que je suis, a prévu de me saquer car je ne travaille pas sur son sujet. Il travaille en architecture - tout le labo travaille sur des églises - et moi je travaille sur un corpus de manuscrits profanes. Autant vous dire que je suis une hérétique. Alors face aux notes, mes directrices s'inquiètent. "Si
[je veux] faire une thèse", ces(ses) notes risquent de m'en empêcher. Me voilà bien embarrassée. Heureusement pour moi, je suis très bien entourée, ma directrice principale a pour amie une collègue qui travaille dans le bureau dudit professeur. Je suis également soutenue par un autre professeur qui travaille avec ma codirectrice (vous suivez?). Donc le problème des notes risque d'être vite réglé, d'autant que je n'aurai pas ce professeur au deuxième semestre.
Le problème principal est donc un petit obstacle qui, au vu de tous ceux que j'ai surmonté jusque là, ne me fait pas trop peur. "Et si [je veux] faire une thèse"? La thèse, quand on est étudiant à la faculté, c'est un grand Démon qui nous attend joyeusement au bout de nos études. Nous les voyons, les doctorant (les "thésards" comme on les appelle aussi) : très souvent fatigués entre les cours qu'ils ont à assurer et leur thèse, mais toutefois heureux de travailler sur leur sujet et surtout incertains pour leur avenir. Car si pour l'instant mon avenir est encore malléable, ce ne sera plus vraiment le cas lorsque j'aurai validé ledit doctorat. Et encore faut-il y rentrer, en doctorat! Il faut minimum 14 de moyenne, et 16 pour avoir une chance de toucher les bourses doctorales. Celles-ci font l'objet d'un dossier que votre futur directeur-trice porte en commission en vous soutenant au maximum pour que vous obteniez ladite bourse afin que vous puissiez manger tout en vous concentrant sur votre doctorat. Cela demande aussi d'avoir un sujet qui intéressera particulièrement la commission. Et malgré tout, toutes les bourses ne sont pas toujours octroyées. De plus, à la fin du doctorat, il faut encore être intégré dans un projet de recherche au pire, être reçu dans différents travaux ou, au mieux, réussir les concours du CNRS, extrêmement difficiles évidemment, pour être titularisé chercheur. Autant vous dire que ce gros monstre, aux allures de Ganondorf, fait moins envie qu'un master professionnel sélectif à l'entrée. Car comme d'habitude à la faculté, pas de sélection à l'entrée mais écrémage à mesure des années.
Alors lorsqu'une autre professeure, que je ne connaissais pas, m'a demandé pour la thèse, mon sujet de recherches, je lui ai évidemment répondu que la thèse me paraissait quelque chose de très compliqué, au moins au niveau de l'accès. Elle m'a donc répondu dans une courte tirade : "Vous savez, il faut faire les choses avec votre cœur. Sinon, vous pouvez chercher les filières qui vous donneront à coup sûr du travail. On fait ça, on dit "en ce moment, ça recrute ici". Alors tout le monde y va, mais entre le moment où tout le monde y va et la sortie sur le marché du travail, il s'est écoulé cinq ans. On espère qu'au cours de ce laps de temps, la filière qui cherchait a trouvé ses employés! Il n'y a donc plus de travail mais on cherche des gens dans d'autres disciplines. La roue tourne : il faut faire les choses avec votre cœur. Et peut-être qu'à la sortie du doctorat, c'est votre sujet et vos compétences qui intéresseront plus particulièrement les recruteurs!"
Je ne peux naturellement que vous encourager à faire les choses avec votre cœur. A faire confiance à la vie. Je m'y efforce moi-même. Bien sûr que j'ai peur, ça m'arrive même souvent. Mais je m'en souviens : lorsque j'ai très peur de quelque chose (notamment : que je m'inquiétais pour ma licence, pour mon avenir, est-ce que je vais trouver un ou une directrice de recherche, est-ce que je vais réussir mon BAFA...) ça se passe. Et au bout du chemin, la grande Uzu a très envie de dire à celle qui a peur : "mais t'inquiète pas! Ça se passera tout seul." Du coup, je l'entends, cette petite voix rassurante au bout du chemin, qui me dit que je vais m'inquiéter très fort, mais que le jeu en vaut la chandelle. Et pour vous aussi, qui vous inquiétez pour votre avenir, sachez-le : le jeu en vaut la chandelle!